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Photo du rédacteurBaptiste Locatelli

Anatomie d'un renoncement

Deux jours de bise, giboulées glaciales et visibilité réduite ont eu raison de notre détermination lors de ce mini raid alpin dans le massif du Mont Blanc. Trois ans que m'échappe la Pointe Isabelle, quand arriverai-je à y aller ?


Tam et Florence se sont bien préparés tout l'hiver, ont enchaîné les journées de ski et les raids en altitude, j'ai vraiment à cœur de leur proposer 3 belles journées en montagne. Tam m'a donné carte blanche sur le choix, à condition que ce soit aussi quelque chose qui me fasse plaisir. Leur confiance m'oblige ! Nous avons déjà dû écarter notre première idée dans l'Oberland, faute de place dans les refuges et d'un timing devenu trop serré. Rapatriement sur le massif du Mont Blanc, et cet itinéraire que j'avais initialement concocté pour Pierre Criado il y a quelques années. Une première journée dans la vallée blanche, peut être une goulotte, ou la Tour Ronde, puis dormir au Requin. Le lendemain, franchir la brèche Puiseux pour skier le glacier du Malet, puis remonter au refuge du Couvercle. Enfin, conclure cette immersion par la Pointe Isabelle, particulièrement en conditions cette année. 


Descente de l'arête de l'aiguille du Midi à ski

Nous sommes là une semaine trop tard. L'épisode hivernal qui nous arrive du nord a chassé l'été arrivé trop tôt, s'est prolongé, et le weekend qui devait être beau et froid est resté froid...mais très mitigé ! Après concertation, un peu contraints de rester à proximité de Chamonix (plutôt qu'aller lézarder sur les falaises des Calanques 😜), nous avons choisis de tout de même tenter notre chance sur les fenêtres météo annoncées, pour aller chercher du bon ski dans la neige fraîche récente. Le beau temps a été de courte durée samedi, et nous nous sommes rapidement réfugiés au Requin faute de visibilité plus haut dans les nuages. Le doute a commencé à s'immiscer, mais grâce à la souplesse et à la compréhension de Flo et Tam, nous avons décidé de prendre les choses au jour le jour. Ce dimanche matin, la matinée est annoncée correcte, et effectivement le ciel n'est pas trop couvert à 6h45. Une heure plus tôt on y voyait même toutes les étoiles. Alors pourquoi ne pas aller voir du côté du Col du Tacul ou de la Brèche Puiseux. Seule ombre possible au tableau, le très fort vent d'il y a deux jours pendant les chutes de neige. À réévaluer sur place. Nous montons encordés sur le glacier des Périades, le ciel fini par se boucher, et les plaques de neige ventée nous font opter pour le premier itinéraire. 




La matinée avançant, pendant que skis sur le sac et piolet à la main, nous poursuivons notre ascension jusqu'au col du Tacul, il devient assez clair que le bulletin météo était assez optimiste, et la fiabilité de la prédiction plutôt faible. Alors que faire pour le reste de la journée, et le lendemain ? Monter tout de même au refuge du Couvercle, pour voir ? Aviser le lendemain, et peut être faire demi tour ? Dans un cadre amateur, où je n'aurais rien eu de mieux à faire de mon lundi que de prendre un but, cet argument aurait pû me convaincre. On monte, on va voir, qu'est ce que ça coûte ? La différence dans le cadre pro, c'est que ça coûte cher à Tam et Florence de monter juste pour voir ! Or dans mes missions, au delà du simple encadrement et de la sécurité, il y a aussi la responsabilité de l'élaboration d'un programme, de choix pertinents d'itinéraires, en fonction du groupe, des conditions météo, réalisable et dans lequel on y trouve du plaisir. Dit autrement, mes clients me délèguent la tâche de bien organiser leurs vacances en montagne, et j'attache une grande importance à remplir cet objectif ! Dans ce contexte de groupe, il me fallait un créneau parfait pour monter à la Pointe Isabelle. Du moins du beau temps, de la visibilité et pas trop de vent. Vue les deux derniers jours et le bulletin météo pour lundi, je ne croyais absolument pas à la réalité de cette "éclaircie matinale mais froide avec une légère bise". Beaucoup plus à la ligne suivante "voile nuageux et hauts sommets accrochés par les nuages, petit retour d'est". Mon autre souci : une fois au refuge du Couvercle, je n'avais pas de plan B, hormis une balade au GPS perdu dans les nuages autour du jardin de Talèfre. Ce n'est pas comme si j'avais pu sauver la journée par un mètre de peuf au milieu des mélèzes !



Au final, je prends la décision de ne pas monter au refuge du Couvercle, quitte à "perdre ma journée", ne voulant pas imposer à Florence et Tam la charge financière d'un renoncement matinal trop probable à mon goût... Je préfère qu'ils profitent de leur spa ce dimanche soir, de leur lundi ensemble. C'est par respect pour eux, par estime de mon travail, que j'ai donc choisi d'écourter notre séjour pour qu'ils vivent une meilleure expérience. Ils l'ont parfaitement compris, et ont partagé ce choix.

Nous gardons tout de même pleins de beaux souvenirs, cette descente de l'arête de l'aiguille du Midi toujours aussi belle, quelques virages dans la poudre pour la première descente dans la vallée blanche, une remontée mystique dans le jour blanc, un très agréable moment passé avec Amélie et Cédric les supers gardiens du refuge du Requin hier quasi déserté, une remontée à pied dans un couloir de neige sympa et un peu technique sur la fin pour le col du Tacul... J'attends que nous nous retrouvions une prochaine fois pour de nouveaux projets, sous un ciel plus clément !


Clients heureux, guide content ! Florence et Tam au départ dans les couloirs de l'aiguille du Midi, dans l'attente d'un créneau de beau temps.

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